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8 décembre 2009

Le roman de l'été - Nicolas Fargues

roman_de_ete


C'est le tableau d'un couronnement que signe Nicolas Fargues : celui de notre époque par la bêtise et l'idolâtrie. Farceur et massacrant

Décrire un couple entre deux âges au centre commercial (la femme pousse le Caddie tandis que le mari essaie de garer la Clio devant la galerie marchande), il faut rudement de talent pour rendre drôle un sujet aussi insipide.

 

fargues.jpg

 

Baltel/Sipa

Nicolas Fargues est né en 1972 à Meulan. Il a passé son enfance au Cameroun, au Liban et en Corse. On lui doit notamment "Beau Rôle" et "One Man Show".

Les personnages les plus originaux ou singuliers de Nicolas Fargues sont habités des mensonges les plus ordinaires : un écrivain à sec qui transporte sa table sur une terrasse au bord de la mer, soi-disant pour y noircir quelques feuilles, alors que son seul souci est de perdre du ventre pour draguer les minettes avec quelque chance de succès ; un maire de village de Basse-Normandie qui fait semblant d'aider à ramasser les détritus sur la plage; un jeune homme qui secoue sa guitare en se donnant des airs de mâle meurtri ; un garçon doué pour le foot est embobiné pour faire le sale boulot de tuteur auprès d'un groupe de jeunes délinquants en vacances; des jeunes filles obsédées par leur maquillage et leurs fringues.

Il y a là tout un petit monde de ratés et de minables mis en scène avec beaucoup d'habileté, en de courts chapitres dont chacun encadre un épisode différent, un élan d'amour avorté, une scène de ménage, une dispute entre deux voisins au sujet d'une fenêtre à ouvrir dans un mur, une tentative de séduction lesbienne, les retrouvailles désabusées d'anciens amants qui ne songent qu'à vérifier si leur pouvoir de séduction n'est pas tout à fait éteint. Alors, demandera-t-on, pourquoi se taper un tel livre? Pour le langage, surtout.

Fargues excelle à faire parler ses personnages comme parlent les gens d'aujourd'hui. Il possède cette faculté «balzacienne» du mimétisme oral. Le directeur des ressources humaines, qui prépare son pique-nique avec des copains : «Ben, on se prend pas la tête, padsouci, on se la fait sandwiches-club et salades légères.» Le vieux dragueur rigolard, à sa partenaire plus trop fraîche : «Tu le tires, ton coup, de temps en temps?... Tu t'en prends souvent, des longueurs dans la figue... Une bonne grosse queue à te carrer dans le mou, ça te branche encore, à ton âge canonique?» Le jeune égoïste, qui réclame aigrement un morceau de sucre à sa compagne dévouée : «Il est un poil trop strong, le café.»

Chronique douce-amère des idolâtries et niaiseries de notre époque - le Facebook, les supermarchés, l'aquagym, les «centres culturels» qui organisent la présentation de livres bidons - avec quelques scènes plus fortes, comme l'épisode raciste dans la petite gare normande, «le Roman de l'été» n'a pas la même tension dramatique que «J'étais derrière toi», jusqu'à présent le meilleur roman de Fargues, mais confirme néanmoins la place de cet auteur dans le peloton de tête des jeunes écrivains. Beaucoup de chair, peu de «littérature», un regard sûr, une oreille juste, le sens comique: que vouloir de plus?

D. F.

"Le Roman de l'été", par Nicolas Fargues, POL, 340 p., 19,50 euros.


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