Rade Terminus - Nicolas Fargues
Taxi-Brousse
Epingler le ridicule de ses contemporains, c'est le jeu
favori de Nicolas Fargues. Son dernier roman, One Man Show, se moquait du
monde de l'édition et de celui de la télé. Depuis, l'auteur est parti à
Madagascar. Là-bas, il a découvert l'attitude de l'expatrié, et recense avec la
même verve les poses des néocolonialistes et autres touristes paumés. "Ici, les
4L coupent leur moteur dans les descentes pour économiser l'essence. Ici, les
gens se souviennent de ton nom, même si tu ne leur a dit qu'une fois il y a
longtemps." Précis et drôle.
A.D.
Le Nouvel
Observateur, le 2 septembre 2004
Pathétiques tropiques
"Les Blancs viennent toujours ici pour de mauvaises raisons",
lit-on dans les dernières pages de "Rade terminus". On ignore quelles furent
celles de Nicolas Fargues, 32 ans, expatrié à Madagascar depuis deux ans pour y
diriger l'Alliance française de Diégo-Suarez. De cette expérience malgache, il
tire en tout cas l'un des romans les plus attendus de cette rentrée. Avec "One
man show", c'est la haine de soi du petit écrivain blanc, bourgeois et protégé
qu'il avait disséquée. Ici, il explore celle de l'Occidental délocalisé dans un
pays de misère et de putes.
(...) On retrouvera là tout le spectre décadent
des Occidentaux en goguette sur une île tropicale. Le chef de mission blasé
d'une ONG humanitaire, censé rédigé un rapport bidon pour une assoce nommée
Ecoute et Partage. Le petit con pistonné pour un stage de vacances, dégoûté
qu'on l'ait envoyé "pourrir au Moyen Age" et ne décollant pas son oreille
de son portable. La télé-marketeuse lilloise, cherchant l'exotisme des "circuits
aventure". Le vieux loser venu se taper des minettes malgaches, après s'être
fait recaler dans tous les clubs de muscu parisiens. "Quand t'arrives ici,
t'es Paul Newman, et quand tu rentres t'es Paul Préboist!"Ou encore le
gérant d'une société locale de bateaux à moteur, développant des théories sur
l'odeur poivrée et écoeurante du Malgache, façon Gobineau des campings.
(...) Laborieux? Oh ça non. Retors et efficace, comme tous les opus de
Nicolas Fargues. Sous-"Condition humaine"? Disons plutôt que "Rade Termius",
c'est un peu la version charter d'"Au coeur des ténèbres". Après la folie sacrée
du colon perdu dans la forêt tropicale, les trépignements du coopérant confronté
aux piqûres de moustiques exotiques. L'époque a les transes qu'elle mérite.
Aude Lancelin
Le Figaro Magazine, le 11 septembre
2004
Le sanglot de l'homme blanc
"La France, c'est bon,
merci, mais j'ai déjà donné" lit-on à un moment dans Rade Terminus.
Ce sentiment de renoncement et de lassitude imprègne les exilés volontaires que
met en scène Nicolas Fargues dans son quatrième roman.
Diégo-Suarez,
Madagascar. Des Français vivent ou débarquent sur ce bout du monde. Pour de
l'argent ou pour une nouvelle vie. Philippe, figure principale de cette petite
comédie humaine, est chef de mission d'une ONG, Ecoute et Partage. A 40 ans, il
a des TOC, parle à Dieu et a passé son temps "à faire croire aux autres qu'il
croyait à son métier". Le dialogue Nord-Sud, la coopération, le
désintéressement : des illusions. Cet "habile indifférent" mime le
respect pour masquer son désengagement à la manière d'un petit enfant qu'il n'a
jamais cessé d'être. Bref, Philippe est un Occidental moderne. A ce "héros"
emblématique, Nicolas Fargues agrège d'autres personnages qu'il croque avec sa
virtuosité habituelle. En quelques lignes, Amaury, Maurice, Mathilde, Hervé et
les autres existent. L'auteur de One Man Show tisse sa toile et commande
ses marionnettes avec un sens du récit impressionnant qui lui permet d'habiles
digressions - telle cette parenthèse autour d'un étudiant malgache arrivant à
Roissy plein d'espérances.
Les romans de Fargues tiennent pour une part du
conte ou de la fable. Il y a du Rohmer chez cet écrivain dont la lucidité
désabusée et l'humour nous épargnent le cynisme. Dans Rade Terminus la
vie n'est qu'une succession de malentendus, d'actes manqués et d'occasions
ratées. A Paris comme à Diégo, les coeurs secs prospèrent. Partout, le même
vide. Nous sommes tous des expatriés un peu paumés, des gens en rupture. Ce qui
pourrait être un pensum sinistre se transforme en une brillante comédie, fluide
et acide. Montez dans le Rade Terminus .
Christian Authier
Le Monde 04 novembre 2004
Diégo la déglingue
" Une sorte de terminus des âmes à la dérive", où l'on peut
croiser des ex-légionnaires nostalgiques de la période française, des RMistes
réunionnais, des Belges venus faire des affaires, des Italiens mis au vert, des
Suisses qui profitent des réseaux pédophiles, et aussi des déprimés, des ratés,
des reconvertis, des petits truands (corses ou marseillais)... Parmi cette faune
digne d'une "série B tropicale francophone", se détache une poignée de
personnages dont Nicolas Fragues dépeint les tribulations, à travers une
succession de saynètes où la drôlerie le dispute à la gravité.
De
déboires en désillusions, de petits drames intimes en tragédies, Nicolas Fragues
sait avec justesse et finesse, une fois encore, pointer les travers de ses
contemporains. Et renverser les pespectives pour démontrer que, "considéré,
depuis tous les bouts du monde de la planète, l'Occident, c'est le bout du
monde".
Christine Rousseau.
Août 2004
320 pages, 19,9 €
ISBN : 2-84682-028-7
Disponible en format poche chez Folio