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4 novembre 2009

J'étais derrière toi - Nicolas Fargues

erodietrodite

Confession d'un jeune trentenaire désabusé et relativement privilégié qui vit au gré des décalages de son désir, cette quête d'une vie s'écoule et nous emporte loin des apparences et des compromis du couple. Le tournant du narrateur déplie lentement et sûrement l'insupportable atmosphère instaurée par une de ces maladresses. Maladresse, le lancinant ronron voue souvent aux gémonies le pacte de fidélité. L'agression du sentiment, parce qu'il est floué et pervertie, se modifie en irréversible. L'histoire en est pourtant simple et presque banale. Le narrateur ose dire à Alex, sa femme, qu'il la quitte pour une danseuse. Vingt minutes plus tard, il se ravise et ne la quitte plus. Le " Je " en vient à cette mascarade intime dans les travers d'une relation idyllique métamorphosée en enfer. Il est attitré fautif et mérite tous les châtiments et!humiliations. Les enfants ne doivent pas en pâtir. La chair en est blessée et accroupie, elle tente, malgré tout, de se redresser. Le narrateur raconte cette lente scission de son couple à de ses amis qui connaît aussi sa compagne. Les représailles ne tarderont pas. La femme passera à l'acte et trompera allégrement son mari dans un voyage seul dans une ville d'Extrême-Orient, quelque part en Indonésie, Kuodong pour la narration.

L'imaginaire cinématographique du récit mixte L'Enfer de Chabrol et Lost in Translation de Sofia Coppola. L'écriture de ce roman s'inspire directement de cette vague cinématographique. On pense à une forme de script dans ce mélange monologique de souvenirs et d'histoire en flash-back sur ce qui s'est vraiment passé. Le point de vue suit le narrateur. Mais le crépitement et le lent déraillement des affaires intimes du couple pousse notre héros à partir pour un week-end en Italie. Le récit débobine lentement l'improbable et le hasard de quelques mots écrits sur un carton J'étais derrière toi. La scène se passe dans une trattoria et un garçon lui transmet cette carte avec le numéro de téléphone d'une inconnue qui avait été charmé par la présence. Le soleil méditerranéen réchauffe et mue le passé en la légèreté d'une rencontre rapprochée pour la précipiter dans l'étreinte d'un renouveau. Alice est une étudiante en sociologie. La scène de séparation captive la sensibilité à cran en une souplesse retrouvée de douceur et de désir.

Cette fois-ci, les rôles se renversent et la brutalité de la femme sur l'homme hésite dans la perte annoncée de l'autre moitié. L'intimidation jouera encore jusqu'à ce que notre héros éclate et ne supporte plus le pourrissement déjà mûr de leur rapport. Même s'il se rétracte pour tenter de sauver le couple, la relation avec l'ange italien reprendra et rien ne pourra plus empêcher de laisser courir les paysages derrière les vitres d'une voiture louée pour retrouver l'idylle italienne. La grande force de ce livre c'est que nous sommes presque tenus de le dévorer d'un coup, et il est difficile de s'en arracher tant ce roman parle vrai. Nicolas Fargues a réussi ce tour de présenter de la littérature accessible. Il nous ballade dans les discours et images communes pour nous donner une texture de vécu. Le roman se joue de la fiction pour ces effets de réel. Ce livre ne se sacrifie pas pour autant à la légèreté, mais nous conduit plutôt à lâcher la culpabilité pour la sentir. Il est en ce sens emblématique de la génération héritière de l'amour libre qui ne sait plus comment allier les règles et le souci de soi. Le roman en est presque trop beau. La fiction fonctionne dans cette sorte de breuvage du mentir-vrai.
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